Il fait partie des quatre « rescapés » de la dernière saison si décevante.
Durant l’été 2023, Camille Jean se posait des questions sur son avenir. On ne sort pas indemne de quelques mois plutôt sombres où les victoires étaient rares pour un retour en Nationale 1.
« Les blessures ont empoisonné une équipe qui, à mes yeux, avait pourtant un vrai potentiel. Après, quand la dynamique négative se met en route, c’est souvent difficile de l’arrêter. »
Alors quand William Dumas et Jean-Louis Borg lui donnent une nouvelle chance pour animer la reconstruction d’une équipe et lui accordent une belle confiance, il saute sur l’occasion de rester sur la Côte.
« J’accueille la nouvelle avec beaucoup de plaisir car j’imagine que si Jean-Louis Borg se lance dans ce projet, c’est que derrière il y a une vraie ambition. Quelques mois plus tard, je me dis que je ne me suis pas trompé. Quelle aventure ! En plus, le public répond et on partage vraiment de bons moments. »
Les victoires atténuent quelques regrets néanmoins. Camille occupe un poste à risques : meneur de jeu.
Il connait les règles, il sera le parfait complément de Théo Lefebvre. C’est dans cet ordre là que le championnat débute. Et même plutôt bien avec un scoring personnel qui monte à 18 unités pour le troisième rendez-vous contre Besançon.
Le HTV n’écrase pas encore la concurrence mais il existe et se dessine un avenir. Cliff Colimon met plus de temps que prévu pour revenir et le staff choisit de redonner une chance à Mantvydas Staniulis. Un autre meneur de jeu expérimenté. Cela complique la vie de Camille qui recule dans la hiérarchie et choisit de travailler en silence avec beaucoup de sérieux en attendant que le vent tourne éventuellement en sa faveur.
Il repense aux mots d’Arnaud Tessier, un de ses entraîneurs durant sa formation. « Camille était mon relais sur le terrain chez les jeunes. Il améliore tous les jours sa capacité à mener un groupe. Il est agressif vers le cercle mais sait aussi faire jouer les autres. Il va vite devenir le parfait complément d’un meneur expérimenté. »
C’est ce qu’il était venu chercher en signant dans le Var. Après être né au basket à Lyon SO, être passé par l’ASVEL, Limoges, Evreux et Cholet (quelques belles adresses !), il voulait lancer sa carrière professionnelle dans cette position. A 22 ans, l’heure de l’envol avait sonné. Doué techniquement, intéressant athlétiquement, il manque juste un peu d’expérience et de « grinta » à Camille pour s’imposer définitivement.
Le garçon le sait et travaille dans ce sens.
« En dehors du basket, j’ai toujours été passionné par la psychologie. Notamment dans le sport. Je m’intéresse à tous les ressorts entre les uns et les autres et j’en ferai peut-être mon métier quand le basket me laissera le temps de reprendre une formation. Je sais que je dois travailler dans ce sens, être plus méchant sur un terrain. »
Gaëtan Etienne confirme le diagnostic. « Camille est un gros travailleur qui ne lâche rien. Il est appliqué, à l’écoute. Je trouve qu’il a fait beaucoup de progrès dans l’intensité défensive et dans sa capacité à gérer le jeu de l’équipe. Il est encore jeune et il a une énorme marge de progression devant lui. Il faut qu’il gomme cette gentillesse qu’il a sur le terrain ! »
Une immense qualité dans la vie mais peut-être un petit défaut dans le monde sportif professionnel où les places sont chères. Et les cadeaux très rares.
« Je m’en rends compte tous les jours. C’est l’apprentissage du haut niveau à la dure. Soit tu réponds sans faiblesse, soit tu vas au bout du banc ! C’est la règle et il faut en passer par là et l’accepter. Ce n’est pas facile tous les jours mais impossible de faire autrement. Quand tu passes de la catégorie jeunes au monde professionnel, c’est le chemin que tout le monde emprunte. »
Le destin a peut-être fait un clin d’oeil au jeune Parisien de naissance. Pour pallier la blessure de Staniulis, le staff a recruté un joueur extérieur, Andell Cumberbatch. Et redonné un beau trousseau de clés à Camille Jean pour seconder Théo Lefebvre à la baguette. Dans les matches de fin de saison, contre les plus belles équipes. Contre les oppositions XXL. Au moment des « quitte ou double », du tout ou rien. Quand l’adrénaline coule dans les veines et que le parfum du succès envahit vos neurones.
L’alchimie fonctionne. Le jeune apprécie l’ancien (toujours jeune !). « Théo, c’est l’exemple. Il m’aide beaucoup, me donne tous les bons conseils, me corrige. C’est un meneur qui a beaucoup d’expérience et il sait la partager. Il est précieux pour toute l’équipe et pour moi en particulier. »
Et Borg tend la main, l’appelle, le relance. Au moindre ballon qui traine, à la plus petite interception, à la suite d’un rebond gratté, il est le premier à entendre « Cours ! ». Pour donner du rythme, pour mettre l’adversaire en difficultés, pour créer le déséquilibre.
La confiance est revenue. Elle est essentielle. A ce poste notamment car le meneur a une influence énorme. Il donne le tempo, oriente, anime, inspire.
Jean-Louis Borg est d’une exigence féroce avec ses joueurs. Et les jeunes comme Arthur Simon, Camille Jean et même Enki ne sont pas les derniers à subir les foudres.
« Il m’apprend simplement sa vision du basket de haut niveau. Au début, tu es surpris ! Ensuite tu écoutes, tu travailles et tu comprends ! Maintenant je me dis que c’est une chance d’avoir un coach avec une telle expérience. Et quand tu regardes les résultats, tu te dis forcément qu’il est dans le vrai. »
La fin de saison ? « Tout est permis. Ce que l’on a vécu est incroyable mais peut-être qu’on le mérite quand je repense à la somme de travail que l’on a fourni. Et puis il y a des joueurs vraiment forts dans cet effectif et une attitude générale qui est admirable. Ensemble, on est convaincus que l’on peut aller jusqu’au bout. C’est un sentiment qui s’est incrusté petit à petit. Je n’ai pas un moment particulier à retenir. Simplement je me rappelle de ce run de 14 victoires, je crois, qui nous a lancés sur des bases élevées. C’était vraiment plaisant de montrer à tout le monde que le HTV était de retour. »
Les lumières du palais s’éteignent une à une. L’entraînement est terminé depuis longtemps. Camille parle toujours de sa passion. De sa vie, de son bonheur. De son futur aussi. De sa famille. De ses amis. De cette belle région qu’il découvre sans modération. De ces quelques sorties cinéma quand il en a le temps dans un programme surchargé. « J’aimerais bien connaitre celui qui fait le calendrier ? »
Les mots sont pesés. Le discours très clair. Les yeux pétillent. Le sourire n’est jamais loin. Camille trace son chemin. Apaisé et décidé. Le gamin a laissé la place à un homme. L’espoir, à un professionnel.
En rentrant chez lui, il ira aussi chercher quelques images sur le Net de son joueur préféré. Un certain Maodo Lô, extraordinaire joker de l’équipe d’Allemagne. Un meneur - poste 2 atypique capable de faire « Fanny » en demi-finale de coupe du monde contre les Etats-Unis et d’empocher le titre en finale contre la Serbie avec son complice Denis Schröder en formant une des plus formidables tractions arrières du basket moderne.
Les artistes sont imprévisibles. Camille Jean est souvent imprévisible… mais tellement attachant. Chacun se fera donc sa conclusion…
Comments